- Comment s’est déroulée votre grossesse ?
- Que s’est-il passé à votre sortie de l’hôpital ?
- Comment s’est passé le début du travail ?
- A quel moment avez-vous su que votre bébé était en souffrance ?
- À ce moment-là, qu’avez-vous ressenti ?
- Que s’est-il passé au bloc ?
- Avez-vous réalisé ce qu’on vous disait tout de suite ?
- Comment a réagi votre conjoint ?
- Comment la cause du décès d’Eden a-t-elle été détectée ?
- Votre famille a-t-elle pu vous soutenir dans cette épreuve ?
- Comment avez-vous été accompagnés par les professionnels de santé ?
- Quel impact cette épreuve a-t-elle eu sur votre couple ?
- Avez-vous pu reprendre votre travail ?
- Comment vivez-vous avec cette absence ?
- Arrivez-vous à avoir des projets et à avancer petit à petit ?
- Comment appréhendez-vous l’avenir de votre famille ?
- Avez-vous un dernier message à partager ?
Comment s’est déroulée votre grossesse ?
Je suis tombée enceinte d’Eden en mai 2022. Durant les premiers mois, tout allait très bien. J’avais des nausées, des vomissements, et également des infections urinaires fréquentes, mais c’est le lot de beaucoup de femmes enceintes. A 33 SA, j’ai été hospitalisée parce que j’avais eu quelques pertes de sang. Les médecins ont remarqué que mon col était raccourci et qu’il était déjà ouvert à 2. J’avais aussi beaucoup de contractions et j’ai donc passé quelques jours à l’hôpital pour maturer les poumons de mon bébé et pour stopper mes contractions.
Que s’est-il passé à votre sortie de l’hôpital ?
Ils m’ont dit de me mettre au repos mais de ne pas m’arrêter de vivre. J’ai cependant pris la décision de rester alitée jusqu’à 37 SA parce que j’avais peur que mon bébé naisse prématurément. Ma grossesse a duré jusqu’à 38+5 SA, donc j’étais assez contente.
Comment s’est passé le début du travail ?
Ce jour-là, je devais aller manger chez ma belle-sœur et 1h après être arrivée là-bas, je me suis rendu compte que je commençais à avoir de fortes douleurs. J’ai eu beaucoup de contractions à partir de 33 SA jusqu’à l’accouchement mais à ce moment-là je sentais que c’était différent donc je me suis rendue à la maternité avec mon conjoint.
Lorsque je suis arrivée, j’étais seule car mon chéri a dû rester dans la voiture le temps de savoir si c’était vraiment le travail qui était mis en route ou non. J’ai été prise en charge très rapidement et au bout de 10 minutés j’ai été auscultée. J’étais déjà ouverte à 4. J’étais très contente, je me suis dit je vais avoir la péridurale et puis mon conjoint m’a rejoint !
A quel moment avez-vous su que votre bébé était en souffrance ?
Quand je suis arrivée, ils m’ont directement posé une perfusion d’antibiotiques parce que j’étais positive au streptocoque B, une bactérie qu’il faut rechercher quand on est enceinte. Ils m’ont aussi mis le monitoring. Lors de l’écoute du cœur de bébé au premier monitoring, ils ont vu qu’il y avait un petit souci et que le cœur ne battait plus assez vite. Ça ne faisait même pas 15 minutes que nous étions là, et ils ont directement appelé la gynécologue de garde. Tout de suite, elle a vu que le cœur d’Eden, mon fils, était en bradycardie. Ils m’ont tout de suite annoncé qu’ils devaient me faire une césarienne d’urgence.
À ce moment-là, qu’avez-vous ressenti ?
Je me rappelle juste qu’ils ont dit « code rouge », ils ont demandé à mon chéri de m’enlever ma bague, mon collier et je suis partie. Je n’ai pas eu le temps de lui dire quoi que ce soit et il a dû rester dans une salle à part. En 5 minutes de temps, j’étais recouverte de bétadine et dans le bloc opératoire avec un drap devant moi.
Que s’est-il passé au bloc ?
On m’a juste dit de pousser, alors j’ai poussé et puis on a sorti mon fils. Ils sont partis avec, je ne l’ai pas entendu crier. Pendant tout ce temps-là, je leur demandais si ça allait, comment il se portait. On m’a dit qu’ils essayaient de faire tout leur possible pour qu’il s’en sorte, et moi, jusqu’à ce qu’on me ramène mon chéri dans le bloc, je n’ai rien su. Ils ont réussi à le réanimer après 40 minutes, mais son cerveau a été trop endommagé. Ils nous ont annoncé qu’il était décédé.
Avez-vous réalisé ce qu’on vous disait tout de suite ?
Non, sur le moment moi j’étais vraiment dans le choc. Ils nous ont demandé tout de suite si on voulait le voir, ils disaient qu’il était magnifique. A partir de ce moment-là jusqu’à la semaine de l’enterrement je n’ai plus trop de souvenirs. En plus je venais d’avoir la césarienne donc j’étais un peu shootée. Et je sais qu’ils me l’ont mis dans les bras mais je n’ai aucun souvenir de ça. Ils ont aussi demandé si on souhaitait effectuer une autopsie et je ne me souviens pas de ma réponse. J’ai quelques souvenirs des soins des infirmières qui passaient dans la chambre, mais pas avec Eden. Je pense que c’est un mécanisme de protection.
Comment a réagi votre conjoint ?
Pour lui, c’était l’opposé. Il lui parlait, il arrivait à le prendre dans ses bras, moi je n’y arrivais vraiment pas. Jusqu’à l’enterrement, il a passé beaucoup de temps avec notre fils, il souhaitait le voir au maximum durant cette semaine. De mon côté, j’ai eu beaucoup de soucis suite à ma césarienne, j’ai dû être de nouveau hospitalisée pour des douleurs. J’avais de gros soucis car j’avais d’énormes crampes dans le ventre. Nous avons appris que mon fils était décédé d’une chorioamniotite, j’avais donc une infection aussi et j’ai dû avoir un traitement antibiotique. J’ai alors passé beaucoup moins de temps avec Eden.
Comment la cause du décès d’Eden a-t-elle été détectée ?
Je travaille dans le centre hospitalier où j’ai accouché, ce sont donc mes collègues qui ont fait l’analyse. J’ai su rapidement que mon placenta était infecté et après avoir accepté l’autopsie, nous avons su qu’il était décédé d’une infection au streptocoque B.
Votre famille a-t-elle pu vous soutenir dans cette épreuve ?
Oui, mes parents et ma belle-famille sont venus dès le soir même, ils étaient devant la maternité et après ils nous ont aidés dans toutes les démarches.
Comment avez-vous été accompagnés par les professionnels de santé ?
On nous a proposé une aide psychologique, mais nous avons souhaité prendre notre temps pour prendre rendez-vous. Au moment où j’ai voulu prendre rendez-vous, on nous a expliqué que nous aurions qu’une ou deux séances. Nous avons été voir une autre psy, qui m’avait déjà suivie une ou deux fois les années précédentes. Ça ne nous a pas du tout aidé, donc nous avons décidé de tout stopper. Mes proches m'ont dit de chercher un autre professionnel, mais je n'en ressens pas le besoin. Je parle ouvertement de mon fils au quotidien et c'est important pour me permettre d'avancer dans mon deuil.
Quel impact cette épreuve a-t-elle eu sur votre couple ?
Les premières semaines, ça a été très compliqué. Nous avons failli nous séparer. Mais maintenant nous sommes encore plus soudés qu’avant. Eden est une force dans notre couple, nous nous relevons à deux et je l’aime beaucoup plus qu’avant.
Avez-vous pu reprendre votre travail ?
Oui, Eden est né le 4 février et j’ai repris le travail le 5 mai. Je travaille toujours dans ce centre hospitalier mais c’est compliqué pour moi car mon travail est de chercher les bactéries dans les prélèvements et notamment la bactérie qui a provoqué le décès mon fils. C’est très dur d’un point de vue psychologique.
Comment vivez-vous avec cette absence ?
Le 4 de chaque mois, ce sont des journées quand même assez difficiles et que j’appréhende beaucoup. J’ai d’autant plus peur pour la journée de son premier anniversaire, qui arrivera dans quelques mois. Ça va être aussi très difficile mais nous avons décidé que nous le fêterions tout de même. Au quotidien, nous allons beaucoup au cimetière lui apporter des fleurs. Eden fait partie de nos vies, il est tout le temps dans nos paroles, dans tout ce que nous faisons. Avec ma sœur qui avait aussi perdu un bébé à 4 mois de grossesse, j’en parle souvent. Pour le reste de notre entourage, c’est plus difficile, le sujet est encore très douloureux et ils ont du mal à en parler sans pleurer. J’évite donc pour ne pas leur faire de peine.
Arrivez-vous à avoir des projets et à avancer petit à petit ?
Avec mon conjoint, nous sommes partis en voyage 2 mois après la naissance d’Eden pour une semaine, ce qui nous a fait beaucoup de bien. Nous avons aussi adopté un petit chaton qui nous a aidés, avec notre premier chat, à nous lever le matin. Maintenant nous revivons un peu, nous arrivons à nous accorder des sorties. Cependant, Eden nous manque de plus en plus. On nous a beaucoup dit que ça s’apaiserait avec le temps mais le manque nous semble de plus en plus grand.
Comment appréhendez-vous l’avenir de votre famille ?
Nous souhaitons avoir un nouvel enfant. Pour notre cas, on nous a dit d’attendre un an après ma césarienne avant de vivre une nouvelle grossesse. Là on a repris les essais bébé, mais pour le moment je pense que d’un point de vue psychologique et physique ça bloque un petit peu. Cependant nous gardons espoir, ça nous permet de tenir.