- « Au-delà de l’attention portée à la peau, organe social par excellence et véritable écho à Skin, j’ai tout de suite aimé la manière dont Audrey nous a parlé de ‘l’après’ pour ces jeunes mamans.
- ‘Baby blues’, ‘cancer blues’, même si l’analogie semble outrancière, c’est finalement le coup de blues qui joue le trait d'union.
- … Et après ?
- ‘Cancer blues’ : même combat ?
« Au-delà de l’attention portée à la peau, organe social par excellence et véritable écho à Skin, j’ai tout de suite aimé la manière dont Audrey nous a parlé de ‘l’après’ pour ces jeunes mamans.
Pendant leur grossesse, en symbiose avec l’enfant qui grandit en elles, les femmes font l’objet de toutes les attentions. Une fois qu’elles ont donné la vie, c’est vers l’enfant que les regards se tournent. Elles peuvent alors se sentir reléguées au second plan.
‘Baby blues’, ‘cancer blues’, même si l’analogie semble outrancière, c’est finalement le coup de blues qui joue le trait d'union.
Les femmes se sentent généralement précieuses et importantes pendant la grossesse. Dépositaires d’un trésor dont elles sont le royaume, cajolées par l’entourage, surveillées comme le lait sur le feu par le corps médical, dopées par l’afflux d’hormones et la perspective du petit être à naître, elles évoluent neuf mois durant dans un cocon de douceur et de joie.
Dans une situation pourtant bien moins enviable, la personne malade du cancer se trouve, pendant son parcours de soins, au centre d’un dispositif qui rassemble à la fois les soignants, la famille et le réseau amical. Elle souffre bien sûr, mais tout à son combat pour la vie, elle demeure ‘l’objet de tous les soins’, guidée par un corps médical attentif à lui sauver la peau et par des proches généralement ‘aux petits soins’. Elle s’inscrit alors dans l’action, le combat pour la vie.
Du reste, après le choc du diagnostic, en pleine sidération, elle ne dispose pas encore du recul nécessaire pour analyser ce qu’elle traverse. Elle mobilise ses forces pour affronter cette vague qui la submerge, traverser les différentes étapes du parcours de soins - chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et, pour beaucoup, hormonothérapie.
… Et après ?
Après, c’est une autre histoire, forcément.
Près de 2/3 des jeunes mamans traversent un ‘baby-blues’ généralement quelques jours seulement après la naissance. Si les symptômes varient d’une femme à l’autre, la ‘dépression post-partum’ cumule les effets de la fatigue, de la chute hormonale et de cette soudaine scission : La jeune maman et l’enfant ne sont plus un mais deux. Deux êtres bien distincts. Face à ce nouveau-né, la mère se sent démunie. Occupée neuf mois durant à préparer cette naissance, elle a fait l’objet de toutes les attentions. Brusquement l’enfant monopolise la lumière et la jeune mère se sent transparente. Son corps a changé, son ventre est vide, elle se sent inutile et peine à retomber sur ses pieds. C’est un véritable bouleversement psychique. Sans compter que ces femmes doivent faire le deuil de celles qu’elles ont été avant.
‘Cancer blues’ : même combat ?
Une même tempête hormonale, émotionnelle, existentielle nous guette après le parcours de soins et les traitements contre le cancer. L’impact traumatique du cancer suscite des émotions aussi vives que contradictoires au sortir du marathon médical, de l’omniprésence des soignants et de l’entourage.
Surveillées de près et occupées à se battre de longs mois pour survivre, les patientes se retrouvent du jour au lendemain privées de but et d’attention – l’entourage, le premier, reste convaincu que le pire est passé, que tout est comme avant, il n’a donc plus à s’inquiéter pour elle. A l’exception des check-up habituels, l’agenda se vide de rendez-vous et la lumière, si longtemps braquée sur elles, s’éteint.
Cet effondrement, parfaitement normal tant il relève du processus du deuil, s’accompagne d’une forte culpabilité. Ces femmes physiquement guéries et dont on dit qu’elles sont « en rémission », n’éprouvent pas le soulagement et la joie auxquels elles s’attendaient. Au contraire, réalisant peu à peu l’épreuve par laquelle elles viennent de passer, elles se sentent submergée par les émotions, se mettent à broyer du noir, et finissent par s’isoler de peur d’être incomprises du reste du monde. Ce passage à vide confine parfois à la dépression et l’hormonothérapie accentue les réactions. Leur corps a définitivement changé. Elles doivent faire le deuil de leur statut ‘d’avant la maladie’ à celui ‘d’après la maladie’.
Observons enfin que, de part et d’autre, chez la jeune accouchée ou la femme en rémission, les injonctions pleuvent. On saura mieux qu’elle s’il convient d’allaiter son enfant et combien de temps, on la culpabilisera encore un peu plus si elle s’y refuse, si elle positionne mal son enfant pour la tétée, ou si elle manque de lait ; on attendra d’elle qu’elle reprenne rapidement le travail après le cancer « puisque tout est comme avant », on lui dira même « Tu sais, aujourd’hui le cancer du sein c’est comme un mauvais rhume, c’est un petit cancer qui se soigne facilement ! ». Et le monde continuera d’être monde, poursuivra sa course folle, oubliera la compassion au passage et pointera du doigt la vulnérabilité, que dis-je, la faiblesse, de ses héroïnes.
Alors…
Collusion avec la vie, collusion avec la mort, ces deux expériences ‘de l’extrême’ nous plongent finalement dans le même abîme. Et pour retrouver le cours normal de son existence après une tornade d’une telle intensité, retomber sur ses pieds, se réinventer, recouvrer son intégrité, voire sa féminité, tout cela nécessite une infinie patience, de la compréhension, beaucoup de bienveillance et un vrai soutien.
Prendre soin de ces femmes, quelle que soit l’étape de leur vie, c’est bien cela qui rassemble Daylily Paris et Skin. Pour (re)naître enfin à soi-même après l’épreuve.»
Crédit photo : Jenny Bardelaye