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- Quel a été votre parcours avant la naissance de votre fille Victoire ?
- Anaïs, comment as-tu vécu ce parcours d’un point de vue psychologique ?
- Clément, qu’en était-il de ton côté ?
- Qu’est-ce qui a été le plus dur à vivre pour toi ?
- Diriez-vous que la PMA a eu un impact sur votre couple ?
- Qu’avez-vous mis en place pour y faire face ?
- Que conseilleriez-vous à des couples faisant face à l’infertilité, pour éviter que leur parcours n’impacte trop leur couple ?
Quel a été votre parcours avant la naissance de votre fille Victoire ?
Anaïs : Avec plus de distance aujourd’hui je peux dire qu’on a été chanceux dans notre parcours.
Après le confinement, à notre retour à Paris, on a pris un rendez-vous chez une gynécologue. A la vue de mon parcours de santé, elle nous a mis directement sous aide médicale pour avoir un bébé en me parlant de ce qu’elle appelle « le ticket d’or » pour tomber enceinte. Trois cycles d’échec, de kystes, de perforations de kystes s’en suivent. Pas de test positif à l’horizon, mais surtout pas un signe d’ovulation malgré les traitements…
A ce moment-là on déménage à Nantes et je change donc de médecin. On essaie un nouveau traitement pendant deux cycles et c’est encore un échec. Ce médecin décide alors de tout mettre en pause : j’ai un kyste de la taille d’une balle de tennis qui a déplacé l’ovaire devant l’utérus…
Pendant ce temps, Clément fait aussi des tests pour s’assurer qu’il n’a pas, lui aussi, des signes d’infertilité - mais tout va bien.
De mon côté je vis très mal cette pause après une montée d’espoir. Et je cherche alors comment aider mon corps à mieux réagir aux traitements. Je découvre la puissance du seed cycling et cycle sync (NDLR : si ces concepts vous intéressent, Anaïs réalise beaucoup de contenu autour de ces sujets sur son compte Instagram). Je suis un programme pour relancer ma fonction hormonale afin de l’optimiser en vue de la reprise des traitements. Après deux mois de pause, on reprend la stimulation avec un traitement plus agressif. Un seul cycle a suffi pour faire que la magie opère.
Anaïs, comment as-tu vécu ce parcours d’un point de vue psychologique ?
J’en parle beaucoup dans le livre que j’ai co-écrit avec @healthylifemary, « Mamans avant tout » où on aborde nos parcours pour devenir maman : comment ça s’est fait, pourquoi ça s’est fait et comment on a vécu le après aussi.
Ce parcours pour moi a été très compliqué sur le plan psychologique. Après tout, qu’on décide ou non d’avoir des enfants, ce qui est un choix individuel et propre à chacun, la femme est physiologiquement faite pour enfanter. Et quand on se retrouve en ménopause à 25 ans, avec des tumeurs utérines, on est en colère, dans un flou énorme face à un corps qui physiologiquement ne réagit pas. Et puis on rencontre l’amour de sa vie a 31 ans et on doit lui expliquer et jouer carte sur table en disant qu’on a peu de chance d’être parents. On a l’impression de porter le poids de l’infertilité du couple et on se dit : « Je ne suis même pas capable de faire ce que la nature m’a pourtant prédestinée à faire. » On perd toute spontanéité dans le couple. On nous dit quand faire l’amour et quand ne pas le faire. On prend notre température et au moindre pic, peu importe notre envie ce jour-là, on saute sur notre conjoint. On nous dit que telle et telle position sont plus favorables que d’autres. Autour de nous, des couples qui essaient depuis 15 jours annoncent qu’ils attendent un bébé. De notre côté, on en est toujours à annuler nos vacances parce qu’il faut vivre au rythme des échographies qui déterminent notre vie sexuelle. Notre conjoint devient notre infirmier, et doit, juste après nous avoir piquée, devenir notre amant… Ce n’est pas facile. Même si j’en parlais avec quelques personnes proches et que j’ai eu la chance d’avoir ma meilleure amie qui vivait une histoire similaire, je me sentais seule. On se sent terriblement vide de l’intérieur. Comme si tout était en pause. Colère et tristesse ont rythmé des mois d’attente.
Clément, qu’en était-il de ton côté ?
Tout d’abord, il faut bien considérer que j’ai été rapidement mis au courant par Anaïs des difficultés qu’elle pourrait avoir à concevoir un enfant. J’ai donc eu au moins la chance d’avoir cette honnêteté-là, qui a permis une certaine préparation mentale, pour à la fois anticiper le timing (le temps jouait contre nous) et la possibilité d’un parcours semé d'embûches.
Ce qui a été le plus difficile à accepter et à digérer, c’est tout le temps perdu avant de rencontrer le bon gynécologue et la prise de décision de rentrer dans un parcours PMA. Anaïs a tenté pas mal de choses pour pouvoir retrouver ne serait-ce qu’un cycle et il est très compliqué d’avoir cette position de partenaire qui fait de son mieux pour apporter de l’optimisme et du réconfort, échec après échec, sans avoir une réelle prise sur la réussite des efforts de l’autre.
Qu’est-ce qui a été le plus dur à vivre pour toi ?
Clément : Une fois le bon professionnel trouvé et le vrai parcours lancé, ce qui est le plus perturbant et désagréable, c’est la non spontanéité des choses. Rentrer dans un parcours PMA, c’est accepter de rationaliser et de planifier ce que l’on est programmé pour faire de façon naturelle, avec sa part d’aléatoire. On perd une partie de la magie de tomber enceinte en enlevant le fait que cela puisse arriver sans que l’on s’y soit réellement préparé.
Ceci étant, le parcours PMA n’est pas non plus une mécanique implacable et il subsiste cet élément aléatoire démontrant que le corps reste le dernier décideur du succès ou non de la procréation. Alors, on espère, on croise les doigts, et en même temps on cherche à se protéger d’une nouvelle déception. Ce paradoxe donne une certaine tension, mais cette tension décuple la joie lorsqu’on découvre que la PMA a fonctionné.
Diriez-vous que la PMA a eu un impact sur votre couple ?
Anaïs : Comme on le disait, il n’y a plus de place au spontané. Il n’y a plus de place pour la magie. Tout est calculé et ce n’est pas simple. Dans notre livre, je raconte une anecdote qui montre bien le niveau de tension et de désespoir : je devais partir à Paris, mais on venait d’avoir l’appel du médecin pour me dire que j’ovulais. On devait faire l’amour le lundi, pas le mardi, puis le mercredi. En piquant avant à chaque fois. Le mercredi, j’avais mon train à 8h45. J’ai réveillé Clément qui dormait en le secouant, en lui disant qu’il fallait absolument qu’on fasse l’amour avant que je parte. Il m’a dit qu’il était trop fatigué. Je lui suis montée dessus en disant : « Ne t’inquiète pas, je m’occupe de tout. » Et un moment il arrête en disant qu’il est désolé, qu’il dort à moitié et qu’il n’arrive pas à émerger. Je suis partie en larmes, j’étais inconsolable en lui disant que si c’était encore un cycle de piqûres pour rien c’était entièrement sa faute. Il s’avère que le lundi aura suffi et que je suis tombée enceinte de Victoire. Mais c’est pour dire le seuil de désespoir… Tous ces mois à se forcer, à perdre la complicité, à calculer, à avoir de la rancœur.
Clément : Oui bien entendu, ça me surprendrait de rencontrer des personnes pour qui la PMA n’a pas eu d’impact. Il s’agit d’un protocole d’accompagnement médicalisé pour rationaliser un processus “naturel”, donc aléatoire et intuitif. Pour nous, ça a été se priver d’une forme de mystère et de magie, on ne pouvait pas rester sur le principe de “On s’aime, ça va arriver un jour”. Donc concrètement, ce n’est plus considérer la grossesse comme un événement, mais un objectif, ce qui signifie plan d’actions, calendrier, moyens… Pas réellement ce que l’on souhaite vivre dans une histoire d’amour.
Qu’avez-vous mis en place pour y faire face ?
Anaïs : Dans les périodes « creuses » avant ovulation ou avant les règles, on sortait beaucoup. On essayait de parler d’autre chose ! Clément m’aidait aussi à me projeter en cherchant des idées de prénoms de bébé. On communiquait beaucoup, ça c’était vraiment le socle pour tenir. On se disait comment on allait. Mais finalement on n’a pas eu de baguette magique et ça a été compliqué. J’ai fait une dépression. Je suis restée seule ce dernier noël avant que ça fonctionne en janvier. J’avais de la chance d’avoir un mari patient, à l’écoute et positif, ainsi que quelques amies très bienveillantes, mais je n’ai malheureusement pas de belles histoires à raconter sur des choses chouettes mises en place, comme se réserver une chambre d’hôtel.
Clément : Pour y faire face, je pense que l’on a essayé de dialoguer le plus possible. Se soutenir mutuellement et s’encourager, c’est primordial. Pour le reste, se changer les idées, s’oxygéner et faire des choses comme un couple et non deux procréateurs : continuer à se séduire, à avoir des rapports même quand ce n’est pas le bon moment, aller au restaurant, partir en vadrouille…
Que conseilleriez-vous à des couples faisant face à l’infertilité, pour éviter que leur parcours n’impacte trop leur couple ?
Anaïs : Je conseillerais de communiquer. Vraiment de mettre des mots. Sans tabou !
Clément : De mon côté je conseillerais de rester un couple, ne pas tomber dans le paradigme : “Nous sommes deux géniteurs en quête d’une grossesse”. Vous étiez deux personnes qui s’aiment avant le parcours PMA, vous devez le rester et vous devriez le rester après. Peu importe ce qui advient, le chemin le plus sinueux pour avoir un enfant n’est possible à emprunter que si deux personnes s’aiment et continuent de se chérir.