Morgane, maman après un déni de grossesse total

Morgane, maman après un déni de grossesse total

Qui êtes-vous ?

Je m’appelle Morgane. J’ai bientôt 30 ans. Je suis en couple avec Lucas, nous vivons à Strasbourg. J’ai 4 filles et je suis actuellement en congé parental.

A 16 ans, j’ai fait un déni de grossesse pour ma première fille. Puis j’ai refait un déni total pour ma petite dernière Lou dont je vais vous parler.

Vous avez vécu un 2ème déni pour votre dernière grossesse. Quand et comment avez-vous appris votre grossesse ?

J’ai fait un déni de grossesse total. Le 20 janvier 2020, je me suis levée à 8h30 comme tous les matins. Je n’avais pas passé une très bonne nuit. J’étais seule chez moi avec l’une de mes filles, de 14 mois. J’avais quelques douleurs mais rien de trop inhabituel. Puis, la douleur s’est intensifiée mais cela ne ressemblait pas aux contractions que j’ai pu connaitre pour mes autres accouchements. J’ai appelé ma voisine pour qu’elle vienne m’aider à m’occuper de ma fille.

Je lui ai ouvert la porte et là, j’ai un ventre de 9 mois qui est sorti. 10 minutes plus tard, le Samu est arrivé. Ils m’ont fait accoucher chez moi. Ma fille est née dans la poche comme je n’avais pas perdu les eaux. A 9h30, soit une heure après m’être levée, ma fille était née. 

Comment avez-vous vécu la découverte tardive de votre grossesse ?

J’ai très mal vécu l’arrivée de ma fille. Le Samu m’a amené à l’hôpital. On m’a demandé si je voulais la prendre. Je l’ai prise mais je n’ai ressenti aucune émotion. Pour moi, ce n’était pas mon bébé, c’était impossible. Je leur ai dit « Gardez-la, je n’en veux pas ». J’avais peur du regard des autres : 4 enfants et seule… Je ne me sentais pas capable de l’assumer. J’allais reprendre le travail… Ma première réaction a donc été de la faire adopter, j’étais sûre de moi. Le personnel hospitalier a respecté mon choix. Ma fille appartenait à l’Etat.

J’ai demandé à sortir le jour même. Je suis rentrée chez moi, j’ai récupéré ma fille chez la voisine et j’ai fait ma vie, comme si de rien n’était. J’étais sous le choc, je n’arrivais pas à réaliser ce qu’il m’était arrivée. J’étais encore dans le déni. A ce moment-là, personne n’est au courant de ce qu’il s’est passé, à part ma voisine qui a assisté à l’accouchement. J’allais la faire adopter sans le dire à personne. Ça aurait été mon secret. J’avais peur que les avis de mon entourage influencent mon choix. 

Pourquoi avez-vous finalement décidé de garder votre fille ?

Le lendemain de l’accouchement, je suis allée signer les papiers de l’adoption. On m’a expliqué que j’avais 2 mois pour me rétracter et que je pouvais aller la voir en attendant. Un jour plus tard, j’ai pris la décision d’aller la voir, juste pour savoir si elle allait bien. J’étais tétanisée, comme si je n’avais jamais eu d’enfant. Je la prends dans mes bras et là, il se passe quelque chose. Mon instinct maternel reprend le dessus. Je pleurs. Je me rends compte que je ne peux pas la laisser.

Les jours qui suivent, je fais des allers-retours à la maternité pour m’habituer. Le retour à la maison n’a pas été simple. J’ai dû apprendre à connaître ce bébé, à créer ce lien qui n’a pas pu se faire pendant les 9 mois de grossesse.

Quelles ont été les réactions de votre entourage ?

J’ai annoncé ce qu’il s’était passé à ma mère une semaine après mon accouchement. Ma famille a, évidemment, été très surprise mais, finalement, c’est comme si elle avait été attendue ... Ils ont tout fait pour que je la garde et elle a été très bien acceptée ! Ils se sont mobilisés pour m’aider.

A quel moment vous êtes-vous sentie mère ?

J’ai eu la chance de tomber sur une sage-femme formée sur le déni de grossesse. Elle m’a énormément aidée. Elle me comprenait, me rassurait et me faisait me sentir normale. Elle m’a fait faire des séances d’hypnothérapie. Elle m’a aussi donné de bons conseils comme faire du peau à peau, des bains avec elle. Je me suis sentie vraiment mère avec Lou au bout de 4 mois. A partir de là, j’ai enfin réussi à lui faire des câlins, des bisous …

Avant de tomber enceinte, la grossesse était un sujet qui vous préoccupait ?

J’ai toujours voulu être maman. Mais, ce n’était pas quelque chose qui me préoccupait particulièrement.

Par la suite, avez-vous eu peur de refaire un déni de grossesse ?

Après mon premier déni de grossesse avec ma première fille, je ne pensais pas refaire un déni total. En revanche, après mon second déni de grossesse avec Lou, j’ai eu tellement peur que cela réarrive que j’ai fait des tests de grossesse tous les mois.

Ce déni de grossesse a-t-il eu un impact sur votre maternité ?

Je suis une maman angoissée. J’ai toujours peur qu’il arrive quelque chose à mes enfants. Avec Lou, il y a un lien particulier. Par exemple, lorsqu’elle est malade, je panique plus rapidement. J’ai énormément de mal à la laisser lorsqu’elle ne va pas bien. J’ai besoin d’être collée à elle …

Et dans votre vie, qu’est-ce que ce déni a changé ?

Vivre cette épreuve m’a fait me rendre compte que l’on ne parle vraiment pas assez du déni de grossesse. C’est encore trop tabou. Je ne trouve pas cela normal du tout. Il faut en parler car cela arrive plus souvent qu’on ne le croit. Je me suis justement lancée sur Instagram pour en faire parler (@9moiscache). Je suis très engagée. J’ai eu la chance de rencontrer un gynécologue formidable, le professeur Misand. Il m’a proposé d’intervenir avec lui à l’Université de médecine de Strasbourg. Je trouve primordial de former les sages-femmes et les gynécologues à ce genre de cas. En effet, pendant cette épreuve, je suis tombée sur une psychologue qui m’a culpabilisée et un médecin qui m’a traitée de menteuse, qui m’a dit qu’il n’était pas possible qu’après 3 grossesses je n’ai pas vu celle-ci …

Quel conseil donneriez-vous à une femme ou un couple qui traverse cette épreuve ?

Pour une femme, je lui conseillerais de ne pas avoir honte de ce qui lui arrive, de ne pas culpabiliser et, surtout, de ne pas rester seule. Il faut se faire aider si possible (par sa famille, par un(e) psychologue, etc.). Pour un couple, je leur conseillerais de ne pas écouter les personnes malveillantes, de rester soudés, de s’écouter, de se battre et de prendre la vie comme elle vient. Le conjoint doit soutenir sa femme. Au début, c’est un choc mais, croyez-moi, un enfant, ce n’est que du bonheur !

Si vous aussi vous avez envie de partager votre histoire, contactez-nous sur hello@daylilyparis.com