
Nous avons rencontré Laetitia lors de notre dernier shooting photo, elle a été le visage du lancement de nos nouveautés.
Cette rencontre fut très enrichissante, nous avons pu découvrir son parcours et sa force, que nous souhaitons aujourd'hui vous partager !
Qui êtes-vous ?
Je m’appelle Laëtitia, j’ai 37 ans. Je suis personnel navigant commercial depuis 15 ans et aujourd’hui cheffe de cabine, j’adore mon métier, c’est un métier que j’ai choisi. Je suis maman de 2 enfants : Seyhvon qui a 5 ans et demi et sa petite sœur, Sinahaë qui va avoir 4 mois.
On m’avait toujours dit que je ne pourrais pas avoir d’enfants sans être accompagnée par la médecine car j’ai eu un premier cancer à 14 ans, un deuxième à 28 ans et un troisième à 32 ans. S’en est suivi un diagnostic d’endométriose également.
La nouvelle a été très compliquée à digérer pour moi, mais finalement, l’univers, Dieu, ou peu importe comment on veut l’appeler, en a décidé autrement et m’a donné la chance de pouvoir concevoir de manière naturelle mes 2 enfants. Je suis dans la gratitude la plus complète tous les jours quand je les regarde.
Il y a quelques années, vous avez eu un cancer. Pouvez-vous nous dire comment vous l’avez découvert, dans quelles circonstances et quel âge vous aviez ?
Mon expérience avec le cancer commence très tôt : à 14 ans par une maladie de Hodgkin.
On me prévient qu’à la suite de mes traitements, les chances sont fortes que je développe un cancer du sein à l’âge adulte.
J’ai découvert mon cancer du sein lorsque j’étais au Canada avec ma meilleure amie. Ce jour-là, j’ai une douleur au niveau de l’aiselle avec une petite grosseur qui me gêne, je sens une petite boule qui n’est pas là d’habitude. Je regarde ma meilleure amie et je lui dit « j’ai un cancer du sein ». Elle me regarde et ne comprend pas : je le sens en moi que c’est un cancer. Le reste du séjour se déroule à merveille, on a les meilleurs fous-rires, on va à New-York et je me sors ça complétement de l’esprit. A mon retour en France, je vais voir mon médecin traitant, qui par chance est aussi mon médecin de famille. Il me connait depuis très longtemps et connait mon passé et donc connait ce risque. Il me renvoie vers l’Institut Curie pour faire des examens. A la suite de cet examen, on me dit que c’est normal, que ça ressemble à un adénofibrome (c’est quelque chose qui arrive très souvent et disparait comme c’est venu, et cela ne se transforme pas en cancer). Cette boule reste là pendant 6 mois et sa taille n’augmente pas. Mais 6 mois plus tard, elle a doublé de volume et je le sens dure et pas mobile. Je retourne voir le médecin traitant car je suis inquiète, et demande à faire des examens plus poussés : mammographie, échographie, IRM où on ne voit pas grand-chose, puis une biopsie tout semble OK également. Je rentre soulagée mais pas tant que ça car je sens qu’il y a quelque chose.
Quelques semaines plus tard, on m’opère quand même pour la retirer à cause de l’augmentation de son volume et de mon passé. Lors mon rendez-vous de contrôle suite à l’opération, le médecin m’annonce qu’elle va devoir me réopérer car j’ai un début de cancer du sein.
Quel a été votre sentiment à la découverte de cette maladie ?
Mon monde s’écroule et je ne comprends pas trop ce qui se passe. Elle me donne beaucoup d’informations que je ne comprends pas sur le traitement, l’opération, qui sont difficiles à digérer.
Je pense à comment je vais l’annoncer à ma mère, qui est en Guadeloupe et très inquiète. A la suite de ce rendez-vous, j’ai plus de peurs pour l’annoncer que par rapport à la maladie ou au traitement. J’appelle ma mère, qui sent que quelque chose ne va pas, et je lui annonce que c’est un début de cancer du sein. Je lui explique tout par rapport à l’opération et à la chimio. Mon beau-père me dit de rentrer en Guadeloupe pour prendre soin de moi.
Comment avez-vous fait pour le combattre et comment avez-vous vécu cette période ?
Je me fais quand même opérer en hexagone. A la suite de ça, je rends mon appartement, je vends la voiture pour partir en Guadeloupe. Je vais rencontrer un oncologue en Guadeloupe pour faire mon traitement là-bas : juste la chimiothérapie. Pour la radiothérapie, elle ne se fait pas en Guadeloupe. Au début, tout se passe très bien mais après cela se complique : je fais de l’allergie au traitement, je prends 14kg, les cheveux tombent, les cils tombent, les yeux se creusent, les cernes se marquent, de la rétention d’eau, des difficultés à marcher, les moqueries des gens, des douleurs difficilement supportables avec la chaleur. Je me bats.
Je rentre ensuite en hexagone pour ma radiothérapie, je passe mon anniversaire et les fêtes sans mes parents. Puis je retourne ensuite en Guadeloupe. Mes cheveux repoussent, je commence à me sentir mieux dans ma tête, dans mon corps et dans ma peau. La vie reprend son cours. Je rencontre mon compagnon et je décide de rentrer en hexagone.
Je retourne alors travailler et très vite, je veux reprendre ma vie telle qu’elle était avant. Sauf qu’avec ce genre de maladie, notamment le cancer du sein, on ne reprend pas sa vie d’avant car on a été mutilé dans sa chair. J’ai été mise sous hormonothérapie, un traitement qui se prend sur minimum 5 ans et qui a de grosses conséquences sur le moral… Des idées suicidaires, très noires, grosse déprime, vie sexuelle au ralenti, pas de libido, le compagnon qui comprend mais qui commence à être frustré, et moi qui suis agacée par tout, très fatiguée, qui ai du mal à reprendre le dessus mais qui me bats quand même.
J’ai cette force de caractère qui me fait comprendre que c’est passager et qu’il faut avancer. Je reprends le travail, je parle avec mes collègues, je crée un blog où j’écris sur tout ce qui me passe par la tête, je rentre en contact avec des personnes malades qui sont aidées par mes mots.
Les années passent, je suis à 3 ou 4 ans de rémission, lorsqu’on me diagnostique une endométriose profonde où je dois me faire opérer. On découvre que je suis enceinte de mon fils au moment de mon bilan préopératoire. La grossesse de mon fils se passe avec ce stress. Et comme je suis tombée enceinte sous hormonothérapie, il y a un risque que le bébé soit mal formé. Je suis surveillée de très près, la grossesse se passe très bien, j’ai un super accouchement. Mon bébé est en pleine santé, il a tout de même une maladie génétique qui n’a rien à voir avec le traitement que j’ai pu recevoir : la drépanocytose (nous sommes tous les 2 porteurs sains du gène de cette maladie).
Cette grossesse a vraiment été sous tension car j’avais vraiment peur que le cancer revienne. J’avais senti une grosseur au même endroit que la première fois et je savais que c’était ça. J’allaite mon fils pendant 3 mois et ensuite, je peux faire tous les examens. Le cancer est de retour et cette fois-ci, il faut pratiquer une ablation complète du sein. On repart sur de la chimiothérapie. Le même cycle recommence (perte de cheveux, de poids).
Je garde l’esprit positif mais cette fois-ci, c’est plus compliqué parce que j’ai une famille, je sais que je ne vais pas pouvoir travailler et qu’il faut payer les factures, etc. Je ne le vis pas bien car avec l’hormonothérapie, il ne devait pas y avoir de récidive. Et je me dis que si ça devait arriver une troisième fois, j’arrêterais, je ne prendrais pas de traitement. Je suis très en colère contre Dieu, contre le monde entier. Et finalement, je me dis que tout arrive pour une raison et je suis entourée. Cette fois-ci, on me propose de faire la chimio à la maison donc je peux me reposer, je suis dans le confort de mon lit, j’ai mon fils avec moi, ma famille qui m’entoure. Ça se passe mieux et je ne fais pas d’allergie cette fois-ci. J’arrive à voir ma famille et à partir voir ma famille aux Antilles : donc c’est du temps pour moi, pour me reconstruire. Je me découvre une passion pour le coaching en nutrition car j’aime beaucoup le sport, ancienne sportive de haut niveau. Et pourquoi pas utiliser cette formation pour accompagner des gens, des femmes, des hommes dans leur parcours par rapport à la nutrition, au cancer du sein, à l’endométriose. Je me lance dedans, je suis encore dans mes cours. J’ai plein de projets pour cette formation et liés aux réseaux sociaux, pour pouvoir aider des personnes qui traversent cette maladie.
Est-ce que cette maladie a eu des conséquences sur votre vie de femme ?
Je suis quelqu’un de relativement positive face à cette maladie car j’ai commencé à la côtoyer quand j’étais très jeune. Le regard que l’on porte sur nous au début avec un seul sein est bizarre. Je m’en suis amusée. Devant le miroir, je me mettais, un coup, de profil côté opéré où je me disais que j’étais une petite fille et puis de l’autre côté une femme. J’en jouais et ça ne m’a jamais dérangé d’être « mutilée », d’avoir qu’un côté de poitrine. J’ai appris à vivre avec, à m’habiller avec ma prothèse. Moi qui étais une grande fan de dos-nu et de vêtements asymétriques, je pensais que l’asymétrie corporelle ne me permettait plus de m’habiller comme ça. Je me suis orientée vers la reconstruction. Des fois, je me suis dit que j’aurais dû rester comme j’étais. Je me suis fait tatouer le téton mais ça a été raté. J’aurais mieux fait de rester avec ma cicatrice qui était très jolie, j’ai eu ce regret-là par rapport au tatouage. Grâce à la reconstruction, j’ai retrouvé une certaine harmonie au niveau du corps, de la posture. J’ai pu recommencer à aimer ce corps qui a été meurtri.
Et par rapport à votre corps, comment avez-vous fait pour vous le réapproprier ?
On peut dire que je me le suis réappropriée car j’ai commencé à me ré-habiller comme je m’habillais avant car mon asymétrie est assez visible. Pourtant on me dit souvent que ça ne se voit pas si on ne me le dit pas. Je recommence à m’habiller avec des dos-nu, des tenues sexys, près du corps. J’ai encore un souci avec le fait que mon sein droit soit plus petit que le gauche mais j’apprends à vivre avec, à ne pas anticiper les regards des autres et surtout à vivre avec ce corps, avec cette expérience de vie au quotidien. J’y pense même plus, je sais que ça fait partie de mon histoire. Je ne laisse pas la maladie définir qui je suis.
Si je ne parle pas de ça, les gens ne se rendent pas compte que j’ai été quelqu’un de malade à un moment de ma vie. Je vis une vie tout à fait normale. Je peux me fatiguer peut-être plus vite que les autres à certains moments mais j’ai une vie active. Je fais de la danse, du sport, je m’éclate dans ma vie de maman avec mes enfants et je profite de chaque opportunité pour découvrir de nouvelles choses.
Aujourd’hui, pouvez-vous dire que cette maladie est derrière vous ?
Oui et non.
Oui car je n’y pense pas tous les jours et non car quand on a été malade, il est certain que ça reste un risque d’avoir d’autres cancers, que la maladie revienne. Quand j’y pense, j’essaie de penser à la vie, à l’amour, à la positivité, à la bienveillance, à la confiance que j’ai en moi, à la force que j’ai en moi. Je lâche prise là-dessus et je me dis que le dernier cancer que j’aurai sera ma fille. Car elle est née le 6 juillet et est du signe astrologique Cancer donc c’est assez ironique.
Avez-vous un message à transmettre aux femmes et proches qui vivent cette épreuve ?
Se dire qu’après la pluie vient le beau temps. Même si c’est difficile à vivre et qu’il y a des mauvais moments, il ne faut pas lâcher car le cancer du sein est un cancer très fréquent et qui se soigne relativement bien. Même si on est meurtrie et balafrée après, la vie vaut la peine d’être vécue. Moi je me dis, je suis une amazone, je suis une guerrière, j’ai des cicatrices de guerre. Ce sont mes cicatrices, c’est un combat qui est visible au quotidien. Ce sont des cicatrices qui me permettent de savoir que j’ai traversé des choses qui font de moi une force naturelle. Si j’ai surpassé ça, les petites difficultés de la vie après ça, ne sont rien et je suis contente de respirer tous les jours et de pouvoir regarder mes enfants. On m’avait dit que je n’en aurais pas et pourtant ils sont là. Je dirai aux femmes de ne pas perdre espoir, de ne jamais de s’arrêter à ce que disent les médecins, car il y a une force bien plus grande : la force et la confiance qu’on a en soi-même. Ecoutez votre corps, votre cœur. Et si votre corps vous dit que vous pouvez, faites.
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