Elise, mamange d'une petite fille

Elise, mamange d'une petite fille

Qui êtes-vous ?

Je suis Elise, je suis la mamange de Lisa. Je suis devenue maman pour la première fois à 25 ans. J’étais aide-soignante de métier, après avoir perdu Lisa j’ai fait une reconversion professionnelle, je suis maintenant secrétaire médicale. Je viens d’accoucher de ma deuxième fille, Romy, et je suis actuellement en congé maternité.

Comment avez-vous vécu votre première grossesse ?

Mon compagnon m’a annoncé son désir d’enfant, nous avons donc commencé les essais bébé et je suis tombée enceinte au premier cycle. Ma grossesse a été très compliquée, mon bébé avait une clarté nucale élevée, il y avait donc un risque de trisomie. J’ai passé des examens médicaux qui n’ont pas montré d’anomalie. Par la suite, une échographie de contrôle a montré un problème au niveau du cervelet. Les examens médicaux se sont à nouveau montrés normaux, mais nous avons eu beaucoup de stress. A la dernière échographie nous avons appris que Lisa avait une arythmie, j’ai donc été suivie par un cardiopédiatre. J’ai par la suite déclenché la cholestase gravidique, une maladie du foie qui touche les femmes enceintes. J’ai été hospitalisée plusieurs fois, j’ai eu des coliques néphrétiques, une pancréatite et plusieurs autres problèmes de santé. J’ai vécu une grossesse stressante, j’avais hâte que ma fille arrive.

Comment s’est déroulé votre accouchement ?

J’ai eu des contractions dans la nuit, le matin les médecins m’ont dit que c’était effectivement le début du travail. J’étais à l’hôpital, mon compagnon, Théo, est donc venu me rejoindre. J’ai rompu la poche des eaux et le travail s’est ensuite fait rapidement, en 4h j’étais à dilatation complète. Lisa était cependant mal positionnée, le personnel médical a effectué une version mais son cœur a commencé à s’affaiblir. J’ai donc eu une césarienne en urgence, sans mon compagnon resté seul en salle de naissance. J’ai entendu ma fille crier une seule fois, je n’ai pas pu la voir tout de suite. Je l’ai vue en salle de réveil puis nous avons été remontées en chambre de maternité.

Pouvez-vous nous raconter les premiers jours de Lisa ?

Dès la première nuit nous sentions que quelque chose n’allait pas, ses pleurs ne nous semblaient pas normaux. Elle ne prenait pas le sein. Les médecins nous disaient que tout allait bien. Le lendemain matin, j’ai pris Lisa contre moi pour la rassurer et lorsque la puéricultrice est arrivée, nous avons vu que Lisa était bleue. Elle avait une faible saturation, elle est donc partie en néonat. C’était difficile de la voir branchée dans cette boîte… Pendant plusieurs jours ils ont cherché et fait des prélèvements pour trouver ce que Lisa avait. Trois jours après mon accouchement, le soir, nous étions dans ma chambre à la maternité avec Théo quand une puériculture est arrivée à 23h30. Elle nous incitait à appeler la néonat. On a appris que Lisa était intubée. Quand on est arrivés à la néonat pour voir Lisa, les médecins étaient tous autour d’elle, elle était blanche. On sentait que Lisa n’était plus présente de la même manière, que ce n’était plus notre fille. Son visage était froid. Nous avons vu le pédiatre par la suite.

Que vous a dit le pédiatre ?

Le pédiatre nous a dit qu’ils ne savaient toujours pas ce que Lisa avait malgré les nombreux examens. Il nous annonce que son poumon droit ne fonctionne plus et qu’il a contacté un hôpital proche de chez nous. Un poumon artificiel attendait notre bébé là-bas mais elle était encore trop instable pour changer d’hôpital. Le pronostic vital de Lisa était engagé. Nous avons contacté nos parents pour nous rejoindre, nous avions besoin de soutien. Nous avons vu une deuxième fois le pédiatre avec les parents de Théo. Nous avons appris qu’il serait difficile de maintenir Lisa en vie. Nous devions faire un choix. J’étais incapable de parler, c’était un cauchemar. Théo a dit au pédiatre qu’il fallait arrêter de s’acharner. Lisa s’est éteinte quelques minutes après, le visage apaisé. Elle ne souffrait plus.

Malgré sa disparition, Lisa a fait de vous une maman pour la première fois. Devenir mère pour la première fois est un grand chamboulement. Quels changements avez-vous ressentis durant votre grossesse et comment les avez-vous vécus ?

A la première échographie, c’était un grand bonheur de voir Lisa à l’écran. Je me suis dit que ce petit être allait grandir en moi. Par la suite j’ai senti ses petits coups, c’était magique. Même si ma grossesse a été compliquée, j’ai toujours positivé et j’avais hâte de rencontrer ce bébé qui grandissait en mois malgré tout.

Quel rapport à votre corps aviez-vous durant votre post-partum ?

Ça a été très difficile. Quand on sort de la maternité et qu’on rentre à la maison on n’a pas de bébé. On avait décidé de s’installer chez nos proches pour ne pas être seuls durant les premiers jours. En rentrant préparer mes affaires, je me suis vue dans un miroir et j’ai réalisé que je n’avais plus mon ventre de femme enceinte. Je me suis sentie vide. Je n’avais pas ma fille mais j’avais les vergetures et la cicatrice de ma césarienne qui me rappelait son existence. Malgré tout j’étais maman. Je l’ai portée, elle a vécu trois jours. Aujourd’hui encore elle a sa place dans notre famille, c’est notre première fille.

Lisa a fait de vous une maman pour la première fois, qu’est-ce que cela a changé en vous ?

Ça a tout changé. Une naissance, quelle qu’elle soit, nous change totalement. C’est une claque, ce bébé a grandi en nous, il est là, on est maman. C’est un changement de vie total. Le fait de l’avoir perdue a été une deuxième claque, j’ai mûri 10 fois plus. On prend les choses comme elles viennent. J’ai aussi fait du tri dans mon entourage, on se rend compte de qui est là pour nous. Devenir mère m’a fait grandir, je vois la vie différemment.

Vous êtes-vous sentie reconnue en tant que maman du point de vue de la société ?

Par notre entourage oui, on a toujours pu parler de Lisa. Notre famille était là pour nous épauler, nous accompagner, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Mais quand on est mère et qu’on a perdu notre enfant on cherche forcément du réconfort auprès d’autres mamans ayant vécu la même chose. Lisa a fait une septicémie due à chorioamniotite. Je ne trouvais pas de témoignages, j’ai donc décidé de raconter l’histoire de Lisa sur les réseaux sociaux. C’est pour moi un moyen de briser le tabou autour du deuil périnatal et de faire exister Lisa. Des mamans sont venues à moi pour me dire qu’elles avaient vécu la même chose et ça me fait beaucoup de bien d’échanger avec elles.

Au-delà de votre rapport à votre corps, le post-partum est souvent un moment particulier d’un point de vue émotionnel avec la chute hormonale. Comment l’avez-vous vécu de votre côté ?

Ça a été très compliqué. Mon corps avait changé, je ne voulais pas toucher mon ventre et ma cicatrice. Je perdais mes cheveux aussi. Je vivais le post-partum mais sans avoir mon bébé. C’était très compliqué donc j’ai décidé de me faire accompagner.

Quel accompagnement avez-vous eu ?

J’ai été suivie durant au moins six mois par une psychologue, elle m’a aidé dans mon post-partum et mon deuil. Pour ce qui est de l’acceptation de mon corps, j’ai fait des séances d’ostéopathie. Mon ostéopathe m’a aidée dans l’acceptation de mon corps, petit à petit, en fonction de mon rythme et de mes émotions. J’ai fini par accepter cette cicatrice, c’est la plus belle empreinte de Lisa. J’ai un joli sourire en bas du ventre. J’ai été bien accompagnée pour traverser cette épreuve. Ecrire et en parler avec d’autres mamanges m’a fait beaucoup de bien aussi.

Vous êtes maintenant maman d’une petite Romy également, l’envie de vivre une deuxième grossesse est-elle venue rapidement ?

On était bloqués par rapport à la césarienne, les médecins préconisent d’attendre un an. Ce n’était pas plus mal, on a eu le temps d’avancer dans notre deuil. Sept mois après le décès de Lisa j’ai fait des examens avant de reprendre une deuxième grossesse. Je suis tombée enceinte au premier cycle. J’étais surprise, avec le drame qu’on avait vécu je pensais que ça prendrait plus de temps mais je pense que mon corps était prêt, j’étais prête psychologiquement aussi à vivre cette deuxième grossesse.

Comment avez-vous vécu la grossesse pour Romy ?

Au début j’étais très stressée durant les trois premiers mois, j’avais peur de faire une fausse couche, surtout après la perte de Lisa. La première échographie m’a rassurée, on a décidé d’y croire et de positiver. Tout s’est merveilleusement bien passé pour cette grossesse. J’ai juste fait une récidive de la cholestase en fin de grossesse mais je connaissais les symptômes donc ça a été pris en charge à temps.  Ça a été un véritable bonheur de porter Romy.

Avez-vous ressenti le phénomène de matrescence* d’une manière aussi prononcée pour cette deuxième grossesse que pour la première ?

Je n’étais pas stressée, je suis persuadée que Lisa est au-dessus de nous et j’ai vécu cette grossesse de manière plus apaisée. Romy est calme et apaisée aussi. C’est vrai que j’étais déjà maman donc je me suis tout de suite sentie une deuxième fois maman. 

Comment vivez-vous ce nouveau post-partum ?

Beaucoup mieux forcément, on a notre bébé près de nous donc je l’accepte mieux. J’ai eu une nouvelle césarienne donc j’ai de nouveau une cicatrice, exactement la même que pour Lisa donc je me dis que c’est l’empreinte de mes deux filles. Mon corps a changé car j’ai vécu deux grossesses en deux ans mais je me dis que mon corps a une histoire et ça m’aide dans mon acceptation.

Si une mère vivant un deuil périnatal nous lit, que souhaiteriez-vous lui dire ?

Je souhaiterais lui dire d’écouter son corps, son entourage, d’être épaulée et d’avancer à son rythme. Il faut savoir accepter les remarques, on en reçoit beaucoup mais ça permet d’avancer. Ça forge notre caractère par la suite. Il ne faut pas avoir peur de dire ce qu’on ressent. 

*La matrescence est la naissance de la mère. Ce mot combine à la fois « maternité » et « adolescence » et implique tous les changements entrainés par le fait de devenir mère : tous les sentiments et tumultes émotionnels qui rappellent la transition vécue au changement d’identité.

Si vous aussi vous avez envie de partager votre histoire, contactez-nous sur hello@daylilyparis.com